Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
 
Retour à la page principale

Management des Connaissances et des Systèmes d'Information

Weblog sur le Knowledge Management et les Systèmes d'Information pour l'Innovation

Recherche

Comment piloter des équipes virtuelles ?
--> Vulgarisation

Les entreprises mettent aujourd’hui en place, de manière formelle ou informelle, des équipes virtuelles (Virtual Teams ou VTs). Equipes projet, Communautés de Pratiques, Communautés Professionnelles, ces équipes ont en commun de travailler principalement sur un mode distancié. Comme les définissent Martins et ali (2004) : « les équipes virtuelles sont des équipes dont les membres utilisent la technologie de manière plus ou moins importante pour travailler au-delà des frontières géographiques, temporelles ou relationnelles dans l’objectif de réaliser des tâches inter-dépendantes ».

 
Dans les entreprises aujourd’hui il est de plus en plus rare que des équipes de collaborateurs ne travaillent qu’en face à face. Ce qu’on appelle les « face-to-face teams » ont quasi-disparues. Même si certaines équipes peuvent être amenées à se réunir souvent physiquement,  il y a toujours des relations entre les membres de l’équipe sur un mode inter-médié via l’utilisation d’une technologie (email, chat, forum, outil collaboratif…). C’est pourquoi on considère qu’aujourd’hui la majorité des équipes présentes dans les entreprises sont virtuelles ou plutôt ont un degré plus ou moins important de virtualité appellé par les chercheurs « extent of virtualness » (Martins et ali, 2004). Dans ce nouveau contexte, une question qui est très souvent posée par les entreprises est de savoir comment piloter au mieux ces équipes virtuelles. On constate sur le terrain que le management de ces équipes est un peu différent des équipes qui travaillaient en face-à-face et on cherche à mieux comprendre comment optimiser leur mode de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle depuis les années 2000, les travaux de recherche sur le management des équipes virtuelles se sont multipliés. Aujourd’hui, il reste encore beaucoup à faire mais les chercheurs savent beaucoup mieux comment fonctionnent ces structures. Le problème est que beaucoup de travaux de recherche sont encore peu vulgarisés sur le sujet et ne permettent pas aux entreprises de mieux comprendre pourquoi telle ou telle équipe n’a pas la performance attendue alors que telle autre est vraiment efficace. Ce post a pour objectif de tenter de vulgariser quelques travaux sur le sujet. Il dresse un panorama rapide des grandes avancées dans le domaine même s’il est loin d’être exhaustif compte tenu des multiples recherches en cours. Il s’appuie sur quelques articles de référence, souvent récents, dont la liste est indiquée en fin de post.

 

Quelles sont les caractéristiques/composantes importantes pour une équipe virtuelle ?

 Les équipes virtuelles peuvent prendre des formes très variées dans les entreprises. Il n’y a pas un modèle strict. En revanche, on sait désormais qu’elles ont différentes composantes qui ont une influence sur leur performance.

Tout d’abord, la taille de l’équipe est importante. On a encore du mal à quantifier avec exactitude l’influence de la taille sur la performance de l’équipe mais il est certain qu’il y a un impact. De la même manière on sait également que la composition de cette équipe a un impact. La variété ou non des niveaux hiérarchiques des personnes qui la compose, les genres (hommes/femmes), la composante ethnique, culturelle de ces membres ne sont pas sans influence. Toutefois pour le moment trop peu d’études ont été lancées pour que l’on sache avec exactitude si la diversité des membres de l’équipe est une chose positive pour la performance du travail en commun ou non.

Autre composante importante : les connaissances et compétences des membres de l’équipe virtuelle (Knowledge, Skills and Abilities). La force des équipes virtuelles serait de pouvoir associer exactement les compétences et connaissances nécessaires pour réaliser des tâches précises. Ceci serait donc un bénéfice notable des équipes virtuelles et rendraient ces équipes plus performantes que les équipes en « face-à-face » souvent contraintes par la nécessité de mobiliser des acteurs présents sur le même site géographique.

Les tâches à mener par l’équipe virtuelle sont aussi une composante structurante de ces équipes. Enfin, la technologie utilisée pour établir les relations virtuelles ont une influence sur la forme et la performance de l’équipe.

Bien évidemment à l’ensemble de ces composantes structurantes, il faut également ajouter que la place et la forme du leadership de certains acteurs de l’équipe, les jeux de pouvoir, les conflits qui peuvent émerger ou le contexte organisationnel dans lequel se met en place l’équipe (équipe virtuelle au sein d’une même entreprise, équipe construite entre plusieurs organisations…) peuvent avoir une importance notable sur la performance de l’équipe.

Sur l’ensemble de ces composantes ou facteurs de structuration et d’organisation des équipes virtuelles beaucoup de travaux restent encore à mener pour prouver scientifiquement que telle composante a tel impact sur la performance de l’équipe. Néanmoins on sait aujourd’hui qu’au minimum chacune de ces composantes est importante et structurante. On sait également qu’il n’y a pas un modèle type d’équipe virtuelle performante mais plutôt qu’il y a des « tendances », des facteurs qui sont plus positifs que d’autres. On sait surtout qu’une équipe virtuelle performante est un assemblage vertueux de certaines composantes dans un contexte donné. Pour mieux comprendre quel assemblage vertueux serait presque idéal, les chercheurs ont beaucoup travaillé sur les processus ou le fonctionnement des équipes virtuelles.

 

 Comment fonctionnent les équipes virtuelles ?

 Une première chose importante à comprendre concernant les équipes virtuelles est que leur mode de fonctionnement évolue dans le temps. De manière plus marquée que les équipes en face-à-face, les équipes virtuelles passent certaines étapes dont une étape qui est clef (le Midpoint) et qui fait fortement évoluer le mode de fonctionnement ou d’échange entre ses membres. Le Midpoint est en fait un accélérateur de certains modes de fonctionnement. La difficulté est que le temps d’arriver à cette étape clef est plus long pour les équipes virtuelles que pour les équipes en face-à-face alors que les délais souvent accordés aux équipes virtuelles sont plus courts que ceux qu’on aurait naturellement attribués aux équipes en face-à-face.

 
Dans une équipe virtuelle vous avez, pour simplifier, 3 processus qui cohabitent :

- un processus de planification qui fixe les tâches à effectuer, les objectifs à atteindre…

- un processus d’action qui met en œuvre les tâches à effectuer et s’appuie sur la communication, la coordination, l’échange de connaissances…

- un processus interpersonnel qui renvoie aux relations affectives et émotionnelles entre les membres.

 L’ensemble de ces 3 processus s’articulent différemment en fonction du cycle de vie de l’équipe virtuelle.

 Une première étape du cycle de vie est la création entre les membres de l’équipe de ce que l’on appelle un Transactive Memory System (TMS) (Kanawattanachai &Yoo, 2007). C’est une notion difficile à traduire, qui pour simplifier à encore, fait référence à la capacité de chacun des membres individuellement et en groupe de comprendre et d’accepter le mode de fonctionnement (découpage des tâches) et les objectifs de l’équipe ; de connaître, reconnaître et savoir mobiliser de façon adéquate l’expertise de chacun des membres ; de détenir une confiance mutelle dans l’équipe et dans ses membres.

Un peu à l’image d’une équipe de rugby, chacun des membres sait quels sont les objectifs communs (gagner le match), les tâches qui doivent être réalisées pour y arriver (mettre des essais, courir, percer la défense adverse…) mais sait aussi ce que chacun sait et est capable de faire (demi, allier, costaud, rapide…) et sait jusqu’à quel point il peut compter sur tel ou tel membre pour mener telle ou telle tâche (fatigue, stress, état d’esprit, tempérament…).

 Ce TMS prend du temps à développer. Les dernières études sur le sujet montrent qu’il faut quelques semaines pour qu’il se construise dans une équipe virtuelle. Dans un premier temps, les membres de l’équipe vont découvrir et comprendre les compétences de chacun (Expertise Location), ils vont aussi se découvrir mutuellement et commencer à construire de la confiance mutuelle (Cognition-Based Trust). Cette confiance mutuelle s’établit grâce à la réalisation de tâches concrètes qui va conduire à une « connaissance mutuelle opératoire », relative aux activités des autres membres de l’équipe et une « connaissance mutuelle relationnelle », relative à une connaissance plus émotionnelle et affective des membres de l’équipe (Daassi et Favier, 2007). Ceci va donc permettre la dernière étape à savoir la construction de la capacité pour les membres de l’équipe de savoir diviser, allouer et coordonner les tâches entre eux (Task-Knowledge Coordination).

 Dans cette étape de développement du TMS les échanges entre les membres doivent être nombreux et fréquents et tournés essentiellement autour de la réalisation de tâches concrètes (Task-oriented communications). C’est bien dans l’action concrète et dans la réalisation de tâches utiles pour atteindre les objectifs de l’équipe que le TMS va se construire. L’échange informel n’arrive que par la suite. Chacun juge l’autre non pas sur l’affectif mais sur sa contribution au travail collectif. Le nombre et la fréquence des échanges autour des tâches concrètes à réaliser a un impact important sur la construction de ce TMS. Ceci est important à comprendre car s’il y a trop d’échanges informels dans une équipe virtuelle au démarrage de celle-ci, on peut être certain que le TMS n’est pas en train de se construire efficacement. C’est pourquoi on peut imaginer que dans cet étape il soit important qu’un certain pilotage par un membre de l’équipe ait lieu pour rappeller ou adresser des informations autour de la réalisation des tâches. Autre élément à comprendre : cette étape est décisive. Une fois le TMS construit, il est difficile ensuite de le faire changer radicalement. Il évoluera certes mais il ne pourra être remis en cause radicalement. Cela signifie notamment que si cette étape n’a pas été prise en compte ou mal accompagnée alors l’équipe fonctionnera mal et n’aura pas une performance adéquate.

 
Après le Midpoint (par exemple la délivrance d’un premier livrable, le jeu d’un premier match…), le TMS est constitué. Il convient alors de ne plus mettre l’accent sur les communications autour de la réalisation de tâches concrètes. Si c’est le seul mode de communication entre les membres alors l’équipe ne fonctionnera pas. C’est plutôt dans cette étape que les échanges informels et les ajustements mutuels vont être importants. La présence d’un leader ou d’un pilote n’apparaît plus cruciale voire, elle peut s’avérer contre-productive parfois. En fait dans ces étapes, la connaissance des compétences de chacun est déjà construite et bouge peu. Elle s’affine juste un peu. C’est la même chose pour la confiance mutuelle. Ce qui va fortement évoluer en revanche c’est la Task-Knowledge Coordination. Cette capacité à collaborer ensemble (qu’on peut aussi appeler connaissance collaborative ou Collaborative Knowledge) va s’affiner, se roder, s’affirmer au fur et à mesure de chacune des étapes de la vie de l’équipe. Elle va devenir le moteur de la performance de l’équipe. C’est véritablement cette connaissance collaborative qui va déterminer sa performance. C’est donc sur elle qu’il faut faire porter tous les efforts. C’est là qu’il faut aider les équipes à la mettre en œuvre avec des techniques et méthodes notamment issus de l’ingénierie de la collaboration (Lettry, Boughzala et Dudezert, 2007).

 Ceci a des incidences sur les technologies à privilégier tout au long du cycle de vie. Même si on doit considérer qu’il n’est pas bon de changer d’outil de médiatisation entre chacune des étapes car cela perturbe le travail de l’équipe, on constate cependant que ce ne seront pas forcément les mêmes technologies qu’il faudra privilégier avant et après le Midpoint.  Dans un premier temps ceux seront principalement des fonctionnalités d’échanges ou de présentation mutuelle qu’il faudra privilégier puis ceux seront principalement sur les fonctionnalités de collaboration et travail commun qu’il faudra mettre l’accent. Les outils à mettre en place pour la constitution des équipes virtuelles doivent prendre en compte ces contraintes.

 

Que créent les équipes virtuelles ?

 Les équipes virtuelles produisent naturellement des résultats. Elles réalisent les tâches qui leur ont été assignées. On constate notamment qu’elles réalisent souvent ces tâches dans un temps plus court que les équipes en face-à-face (forcément, la contrainte géographique souvent très lourde saute avec l’équipe virtuelle) et il semblerait aussi que la qualité des tâches réalisées soit meilleure (là aussi c’est certainement lié au fait qu’on peut aller chercher très loin une compétence cruciale dont on a besoin). Mais beaucoup reste encore à prouver scientifiquement concernant la performance opérationnelle des équipes virtuelles comparativement aux équipes en face-à-face.

 Les équipes virtuelles créent aussi des relations entre les membres et notamment de la satisfaction mutuelle, de l’émotion et de l’affectif. Pendant longtemps on a cru que cela n’était pas le cas. Désormais les chercheurs ont prouvé ce point. Certainement que cet affectif est différent de celui créé en face-à-face mais il est présent et joue un rôle très important dans la structuration de l’équipe. Il n’est pas à négliger. Lorsqu’on remonte une équipe virtuelle et que certaines affinités virtuelles ont été créées auparavant, on peut donc envisager de les exploiter. Au moins doivent-elles être prises en compte.

 
Enfin, les équipes virtuelles crééent aussi de la connaissance. Elles en crééent beaucoup. De la connaissance des expertises des autres, de la connaissance collaborative…mais aussi de la connaissance de « contenu » (accroissement de l’expertise de chacun). Cet aspect est souvent extrêmement négligé dans les entreprises et dans les travaux scientifiques. Tout un pan de la recherche est à développer sur l’apport de ces équipes virtuelles pour le développement de la connaissance organisationnelle. C’est le lien entre équipes virtuelles et KM qui est à explorer et à approfondir. L’enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que des équipes virtuelles inter-organisationnelles se mettent en place. Cet actif créée par chacun des membres est donc ensuite ré-introduit dans les organisations. Certaines entreprises pourront en bénéficier plus que d’autres car elles sauront l’exploiter au mieux. Cela pourra devenir soit une source d’avantage concurrentiel soit une source de conflit avec les autres partenaires et donc déséquilibrer la relation partenariale. Il est donc important, dans univers économique de plus en plus ouvert et où la collaboration entre entreprises est de plus en plus importante pour leur performance, d’analyser cette création d’actif et son apport pour l’entreprise ou les entreprises impliquées.

 

 Sources :

 Daassi M., Favier M. (2007), Le nouveau défi des équipes virtuelles: construire et maintenir une connaissance mutuelle, Systèmes d’Information et Management, 3 (12), 3-30

 Kanawattanachai P., Yoo Y. (2007), The impact of knowledge coordination on virtual team performance over time, MIS Quaterly, 31 (4), 783-808

 Lettry M., Boughzala I., Dudezert A. (2007), Can Collaboration Engineering help Open Source Communities to structure their activities? Actes de la 12ème Conférence de l'Association Information et Management, Lausanne, 18 and 19 June 2007

 Martins L.L, Gilson L.L., Maynard M.T. (2004), Virtuals teams: what do we know and where do we go from here?, Journal of Management, 30 (6), 805-835

 

 

 

Ecrit par Ade, le Mercredi 13 Février 2008, 12:37 dans la rubrique "Articles de recherche".

Commentaires :

782300
15-01-11 à 10:02

links/go.txt;25;25

links/go.txt;25;25

 


Version  XML  - Cette page est peut-être encore valide XHTML1.1 et CSS sans tableaux.
Thème inspiré par Bryan Bell.