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Management des Connaissances et des Systèmes d'Information

Weblog sur le Knowledge Management et les Systèmes d'Information pour l'Innovation

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Mercredi (13/02/08)
Comment piloter des équipes virtuelles ?
--> Vulgarisation

Les entreprises mettent aujourd’hui en place, de manière formelle ou informelle, des équipes virtuelles (Virtual Teams ou VTs). Equipes projet, Communautés de Pratiques, Communautés Professionnelles, ces équipes ont en commun de travailler principalement sur un mode distancié. Comme les définissent Martins et ali (2004) : « les équipes virtuelles sont des équipes dont les membres utilisent la technologie de manière plus ou moins importante pour travailler au-delà des frontières géographiques, temporelles ou relationnelles dans l’objectif de réaliser des tâches inter-dépendantes ».

 
Dans les entreprises aujourd’hui il est de plus en plus rare que des équipes de collaborateurs ne travaillent qu’en face à face. Ce qu’on appelle les « face-to-face teams » ont quasi-disparues. Même si certaines équipes peuvent être amenées à se réunir souvent physiquement,  il y a toujours des relations entre les membres de l’équipe sur un mode inter-médié via l’utilisation d’une technologie (email, chat, forum, outil collaboratif…). C’est pourquoi on considère qu’aujourd’hui la majorité des équipes présentes dans les entreprises sont virtuelles ou plutôt ont un degré plus ou moins important de virtualité appellé par les chercheurs « extent of virtualness » (Martins et ali, 2004). Dans ce nouveau contexte, une question qui est très souvent posée par les entreprises est de savoir comment piloter au mieux ces équipes virtuelles. On constate sur le terrain que le management de ces équipes est un peu différent des équipes qui travaillaient en face-à-face et on cherche à mieux comprendre comment optimiser leur mode de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle depuis les années 2000, les travaux de recherche sur le management des équipes virtuelles se sont multipliés. Aujourd’hui, il reste encore beaucoup à faire mais les chercheurs savent beaucoup mieux comment fonctionnent ces structures. Le problème est que beaucoup de travaux de recherche sont encore peu vulgarisés sur le sujet et ne permettent pas aux entreprises de mieux comprendre pourquoi telle ou telle équipe n’a pas la performance attendue alors que telle autre est vraiment efficace. Ce post a pour objectif de tenter de vulgariser quelques travaux sur le sujet. Il dresse un panorama rapide des grandes avancées dans le domaine même s’il est loin d’être exhaustif compte tenu des multiples recherches en cours. Il s’appuie sur quelques articles de référence, souvent récents, dont la liste est indiquée en fin de post.

 

Quelles sont les caractéristiques/composantes importantes pour une équipe virtuelle ?

 Les équipes virtuelles peuvent prendre des formes très variées dans les entreprises. Il n’y a pas un modèle strict. En revanche, on sait désormais qu’elles ont différentes composantes qui ont une influence sur leur performance.

Tout d’abord, la taille de l’équipe est importante. On a encore du mal à quantifier avec exactitude l’influence de la taille sur la performance de l’équipe mais il est certain qu’il y a un impact. De la même manière on sait également que la composition de cette équipe a un impact. La variété ou non des niveaux hiérarchiques des personnes qui la compose, les genres (hommes/femmes), la composante ethnique, culturelle de ces membres ne sont pas sans influence. Toutefois pour le moment trop peu d’études ont été lancées pour que l’on sache avec exactitude si la diversité des membres de l’équipe est une chose positive pour la performance du travail en commun ou non.

Autre composante importante : les connaissances et compétences des membres de l’équipe virtuelle (Knowledge, Skills and Abilities). La force des équipes virtuelles serait de pouvoir associer exactement les compétences et connaissances nécessaires pour réaliser des tâches précises. Ceci serait donc un bénéfice notable des équipes virtuelles et rendraient ces équipes plus performantes que les équipes en « face-à-face » souvent contraintes par la nécessité de mobiliser des acteurs présents sur le même site géographique.

Les tâches à mener par l’équipe virtuelle sont aussi une composante structurante de ces équipes. Enfin, la technologie utilisée pour établir les relations virtuelles ont une influence sur la forme et la performance de l’équipe.

Bien évidemment à l’ensemble de ces composantes structurantes, il faut également ajouter que la place et la forme du leadership de certains acteurs de l’équipe, les jeux de pouvoir, les conflits qui peuvent émerger ou le contexte organisationnel dans lequel se met en place l’équipe (équipe virtuelle au sein d’une même entreprise, équipe construite entre plusieurs organisations…) peuvent avoir une importance notable sur la performance de l’équipe.

Sur l’ensemble de ces composantes ou facteurs de structuration et d’organisation des équipes virtuelles beaucoup de travaux restent encore à mener pour prouver scientifiquement que telle composante a tel impact sur la performance de l’équipe. Néanmoins on sait aujourd’hui qu’au minimum chacune de ces composantes est importante et structurante. On sait également qu’il n’y a pas un modèle type d’équipe virtuelle performante mais plutôt qu’il y a des « tendances », des facteurs qui sont plus positifs que d’autres. On sait surtout qu’une équipe virtuelle performante est un assemblage vertueux de certaines composantes dans un contexte donné. Pour mieux comprendre quel assemblage vertueux serait presque idéal, les chercheurs ont beaucoup travaillé sur les processus ou le fonctionnement des équipes virtuelles.

 

 Comment fonctionnent les équipes virtuelles ?

 Une première chose importante à comprendre concernant les équipes virtuelles est que leur mode de fonctionnement évolue dans le temps. De manière plus marquée que les équipes en face-à-face, les équipes virtuelles passent certaines étapes dont une étape qui est clef (le Midpoint) et qui fait fortement évoluer le mode de fonctionnement ou d’échange entre ses membres. Le Midpoint est en fait un accélérateur de certains modes de fonctionnement. La difficulté est que le temps d’arriver à cette étape clef est plus long pour les équipes virtuelles que pour les équipes en face-à-face alors que les délais souvent accordés aux équipes virtuelles sont plus courts que ceux qu’on aurait naturellement attribués aux équipes en face-à-face.

 
Dans une équipe virtuelle vous avez, pour simplifier, 3 processus qui cohabitent :

- un processus de planification qui fixe les tâches à effectuer, les objectifs à atteindre…

- un processus d’action qui met en œuvre les tâches à effectuer et s’appuie sur la communication, la coordination, l’échange de connaissances…

- un processus interpersonnel qui renvoie aux relations affectives et émotionnelles entre les membres.

 L’ensemble de ces 3 processus s’articulent différemment en fonction du cycle de vie de l’équipe virtuelle.

 Une première étape du cycle de vie est la création entre les membres de l’équipe de ce que l’on appelle un Transactive Memory System (TMS) (Kanawattanachai &Yoo, 2007). C’est une notion difficile à traduire, qui pour simplifier à encore, fait référence à la capacité de chacun des membres individuellement et en groupe de comprendre et d’accepter le mode de fonctionnement (découpage des tâches) et les objectifs de l’équipe ; de connaître, reconnaître et savoir mobiliser de façon adéquate l’expertise de chacun des membres ; de détenir une confiance mutelle dans l’équipe et dans ses membres.

Un peu à l’image d’une équipe de rugby, chacun des membres sait quels sont les objectifs communs (gagner le match), les tâches qui doivent être réalisées pour y arriver (mettre des essais, courir, percer la défense adverse…) mais sait aussi ce que chacun sait et est capable de faire (demi, allier, costaud, rapide…) et sait jusqu’à quel point il peut compter sur tel ou tel membre pour mener telle ou telle tâche (fatigue, stress, état d’esprit, tempérament…).

 Ce TMS prend du temps à développer. Les dernières études sur le sujet montrent qu’il faut quelques semaines pour qu’il se construise dans une équipe virtuelle. Dans un premier temps, les membres de l’équipe vont découvrir et comprendre les compétences de chacun (Expertise Location), ils vont aussi se découvrir mutuellement et commencer à construire de la confiance mutuelle (Cognition-Based Trust). Cette confiance mutuelle s’établit grâce à la réalisation de tâches concrètes qui va conduire à une « connaissance mutuelle opératoire », relative aux activités des autres membres de l’équipe et une « connaissance mutuelle relationnelle », relative à une connaissance plus émotionnelle et affective des membres de l’équipe (Daassi et Favier, 2007). Ceci va donc permettre la dernière étape à savoir la construction de la capacité pour les membres de l’équipe de savoir diviser, allouer et coordonner les tâches entre eux (Task-Knowledge Coordination).

 Dans cette étape de développement du TMS les échanges entre les membres doivent être nombreux et fréquents et tournés essentiellement autour de la réalisation de tâches concrètes (Task-oriented communications). C’est bien dans l’action concrète et dans la réalisation de tâches utiles pour atteindre les objectifs de l’équipe que le TMS va se construire. L’échange informel n’arrive que par la suite. Chacun juge l’autre non pas sur l’affectif mais sur sa contribution au travail collectif. Le nombre et la fréquence des échanges autour des tâches concrètes à réaliser a un impact important sur la construction de ce TMS. Ceci est important à comprendre car s’il y a trop d’échanges informels dans une équipe virtuelle au démarrage de celle-ci, on peut être certain que le TMS n’est pas en train de se construire efficacement. C’est pourquoi on peut imaginer que dans cet étape il soit important qu’un certain pilotage par un membre de l’équipe ait lieu pour rappeller ou adresser des informations autour de la réalisation des tâches. Autre élément à comprendre : cette étape est décisive. Une fois le TMS construit, il est difficile ensuite de le faire changer radicalement. Il évoluera certes mais il ne pourra être remis en cause radicalement. Cela signifie notamment que si cette étape n’a pas été prise en compte ou mal accompagnée alors l’équipe fonctionnera mal et n’aura pas une performance adéquate.

 
Après le Midpoint (par exemple la délivrance d’un premier livrable, le jeu d’un premier match…), le TMS est constitué. Il convient alors de ne plus mettre l’accent sur les communications autour de la réalisation de tâches concrètes. Si c’est le seul mode de communication entre les membres alors l’équipe ne fonctionnera pas. C’est plutôt dans cette étape que les échanges informels et les ajustements mutuels vont être importants. La présence d’un leader ou d’un pilote n’apparaît plus cruciale voire, elle peut s’avérer contre-productive parfois. En fait dans ces étapes, la connaissance des compétences de chacun est déjà construite et bouge peu. Elle s’affine juste un peu. C’est la même chose pour la confiance mutuelle. Ce qui va fortement évoluer en revanche c’est la Task-Knowledge Coordination. Cette capacité à collaborer ensemble (qu’on peut aussi appeler connaissance collaborative ou Collaborative Knowledge) va s’affiner, se roder, s’affirmer au fur et à mesure de chacune des étapes de la vie de l’équipe. Elle va devenir le moteur de la performance de l’équipe. C’est véritablement cette connaissance collaborative qui va déterminer sa performance. C’est donc sur elle qu’il faut faire porter tous les efforts. C’est là qu’il faut aider les équipes à la mettre en œuvre avec des techniques et méthodes notamment issus de l’ingénierie de la collaboration (Lettry, Boughzala et Dudezert, 2007).

 Ceci a des incidences sur les technologies à privilégier tout au long du cycle de vie. Même si on doit considérer qu’il n’est pas bon de changer d’outil de médiatisation entre chacune des étapes car cela perturbe le travail de l’équipe, on constate cependant que ce ne seront pas forcément les mêmes technologies qu’il faudra privilégier avant et après le Midpoint.  Dans un premier temps ceux seront principalement des fonctionnalités d’échanges ou de présentation mutuelle qu’il faudra privilégier puis ceux seront principalement sur les fonctionnalités de collaboration et travail commun qu’il faudra mettre l’accent. Les outils à mettre en place pour la constitution des équipes virtuelles doivent prendre en compte ces contraintes.

 

Que créent les équipes virtuelles ?

 Les équipes virtuelles produisent naturellement des résultats. Elles réalisent les tâches qui leur ont été assignées. On constate notamment qu’elles réalisent souvent ces tâches dans un temps plus court que les équipes en face-à-face (forcément, la contrainte géographique souvent très lourde saute avec l’équipe virtuelle) et il semblerait aussi que la qualité des tâches réalisées soit meilleure (là aussi c’est certainement lié au fait qu’on peut aller chercher très loin une compétence cruciale dont on a besoin). Mais beaucoup reste encore à prouver scientifiquement concernant la performance opérationnelle des équipes virtuelles comparativement aux équipes en face-à-face.

 Les équipes virtuelles créent aussi des relations entre les membres et notamment de la satisfaction mutuelle, de l’émotion et de l’affectif. Pendant longtemps on a cru que cela n’était pas le cas. Désormais les chercheurs ont prouvé ce point. Certainement que cet affectif est différent de celui créé en face-à-face mais il est présent et joue un rôle très important dans la structuration de l’équipe. Il n’est pas à négliger. Lorsqu’on remonte une équipe virtuelle et que certaines affinités virtuelles ont été créées auparavant, on peut donc envisager de les exploiter. Au moins doivent-elles être prises en compte.

 
Enfin, les équipes virtuelles crééent aussi de la connaissance. Elles en crééent beaucoup. De la connaissance des expertises des autres, de la connaissance collaborative…mais aussi de la connaissance de « contenu » (accroissement de l’expertise de chacun). Cet aspect est souvent extrêmement négligé dans les entreprises et dans les travaux scientifiques. Tout un pan de la recherche est à développer sur l’apport de ces équipes virtuelles pour le développement de la connaissance organisationnelle. C’est le lien entre équipes virtuelles et KM qui est à explorer et à approfondir. L’enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que des équipes virtuelles inter-organisationnelles se mettent en place. Cet actif créée par chacun des membres est donc ensuite ré-introduit dans les organisations. Certaines entreprises pourront en bénéficier plus que d’autres car elles sauront l’exploiter au mieux. Cela pourra devenir soit une source d’avantage concurrentiel soit une source de conflit avec les autres partenaires et donc déséquilibrer la relation partenariale. Il est donc important, dans univers économique de plus en plus ouvert et où la collaboration entre entreprises est de plus en plus importante pour leur performance, d’analyser cette création d’actif et son apport pour l’entreprise ou les entreprises impliquées.

 

 Sources :

 Daassi M., Favier M. (2007), Le nouveau défi des équipes virtuelles: construire et maintenir une connaissance mutuelle, Systèmes d’Information et Management, 3 (12), 3-30

 Kanawattanachai P., Yoo Y. (2007), The impact of knowledge coordination on virtual team performance over time, MIS Quaterly, 31 (4), 783-808

 Lettry M., Boughzala I., Dudezert A. (2007), Can Collaboration Engineering help Open Source Communities to structure their activities? Actes de la 12ème Conférence de l'Association Information et Management, Lausanne, 18 and 19 June 2007

 Martins L.L, Gilson L.L., Maynard M.T. (2004), Virtuals teams: what do we know and where do we go from here?, Journal of Management, 30 (6), 805-835

 

 

 

Ecrit par Ade, a 12:37 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Vendredi (08/02/08)
Cartographies des connaissances
--> Le GPS du KM ;-)
Beaucoup d'entreprises déploient aujourd'hui dans leurs organisations des cartographies des connaissances. Ces cartographies sont une photo de tout ou d'une partie des connaissances détenues par les salariés de l'entreprise. Elles sont mises en place notamment pour aider les dirigeants à "piloter" la répartition des connaissances, leurs évolutions... Un peu comme dans une salle d'état-major ou comme dans un jeu vidéo ;-), le dirigeant a alors l'impression qu'il peut déplacer des connaissances comme des pions. Bien évidemment il n'en est rien.
Ecrit par Ade, a 11:54 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Jeudi (07/02/08)
De la connaissance en organisation
--> Connaissance mutuelle, connaissance collaborative...: évolution du champ

Il est toujours passionnant de voir progresser la découverte d'un domaine. Malgré les très nombreuses critiques qui touchent souvent les Sciences Humaines et Sociales sur l'éclatement des recherches ou l'imprécision des avancées, il est remarquable de constater que sur certains sujets où la communauté a décidé qu'il fallait progresser, les progrès sont rapides et solides. C'est typiquement le cas de la compréhension de ce qu'est la connaissance en organisation.

Nous sommes aujourd'hui très loin du constat du manque de compréhension de ce qu'est la connaissance fait par R. Reix en 1995: "une importance considérable a été accordées au phénomène de l'apprentissage organisationnel alors que peu d'études ont été consacrées à l'analyse de la connaissance, du savoir de l'organisation". Certes la connaissance en organisation reste encore largement une inconnue mais beaucoup, beaucoup a été fait et les progrès sont tels qu'aujourd'hui nous pouvons la piloter de façon de plus en plus efficace. C'est du moins ce que montrent les toutes dernières avancées dans ce domaine avec des travaux sur la connaissance mutuelle et la connaissance collaborative.

Pendant longtemps nous sommes restés sur une idée relativement éthérée de ce qu'était la connaissance en organisation . Les travaux de Nonaka ont permis surtout de comprendre une partie de son processus de création (le fameux SECI) et l'importance de la culture partagée (le BA) pour la mise en oeuvre de ce processus. Mais finalement, nous n'avions que très peu de lieux d'étude approfondie de ce qu'est la connaissance. La taille des organisations étudiées faisait que nous observions une foule de données, de variables qui nous conduisait à constater la complexité de ce phénomène organisationnel mais nous ne parvenions pas véritablement à progresser. Pour reprendre l'expression de Lacroix et Naro (2007), la connaissance à l'échelle de l'entreprise est caractérisée par une "complexité sociale et une ambiguité causale" telles qu'il est parfois désespérant de parvenir à mieux comprendre ce qu'elle est.

Les choses ont changées quand les chercheurs ont commencé à focaliser leurs études de la connaissance sur des organisations plus petites, elles-mêmes centrées sur la création ou l'échange de connaissances. Ainsi depuis l'émergence de l'étude des Systèmes de Gestion des Connaissances (SGC) ou Knowledge Management Systems, nous y voyons plus clair. Une avancée significative a notamment été faite ces dernières années via l'étude de la connaissance dans des SGC totalement virtuels. L'apparition des travaux sur les équipes virtuelles ou les Communautés Virtuelles Professionnelles nous a en particulier permis de faire un grand bond dans la compréhension de ce qu'est la connaissance.

Au moment où les chercheurs en KM se tournaient vers les théories et travaux sur les Communautés de Pratiques pour mieux comprendre, sur des périmètres plus petits, comment la connaissance se créait et émergeait, en parallèle l'apparition concrète dans les entreprises d'équipes et de communautés totalement virtuelles nous a conduit à tourner notre regard vers d'autres disciplines que celles du management et des Sciences des Organisations. De fait, la virtualité de ces équipes nous a effectivement amené à ouvrir la communauté des chercheurs en KM aux travaux sur la Collaboration, ses outils et son ingénierie. Nous avons ré-introduits des concepts issus de l'informatique dans notre champ de recherche en management nous faisant progresser fortement sur ces sujets.


Deux articles récents me semblent particulièrement illustratifs sur ce point. Le premier est celui publié par M. DAASSI et M. FAVIER dans le dernier numéro de la revue Systèmes d'Information et Management (référence en fin de Post).

Au sein des équipes virtuelles, le travail des chercheurs consiste notamment désormais à mieux comprendre ce qu'est vraiment la connaissance. Au fil des travaux nous nous sommes rendus compte que la connaissance dans ces équipes n'étaient pas uniquement constituée de "contenu", c'est-à-dire de ce qui était échangé. Cela peut paraître trivial mais des études solides ont montré que certes des connaissances de "contenu" (très proches de ce qu'est l'information) étaient échangées dans ces organisaitons et qu'elles permettaient d'en créer de nouvelles, utiles pour l'innovation, mais que pour que cela se passe bien, il fallait la présence et l'échange d'autres types de connaissances. Ainsi nous avons constaté qu'un peu comme dans une cellule, pour qu'elle fonctionne et créée vraiment ce qu'elle a à créer, il fallait pleins de mollecules différentes qui étaient constamment en interaction. Dans le travail de DAASSI et FAVIER, ce qui est approfondi c'est la compréhension d'une de ces "molécules" qu'est la Connaissance dite "mutuelle". La connaissance mutuelle est définie comme : "une vision commune et partagée sur le contexte global de l'équipe, permettant aux membres de cette équipe de coordonner implicitement leurs activités et comportements à travers la communication".

Pendant longtemps on a cru que pour que le KM fonctionne efficacement il suffisait d'un contexte particulier, voire juste d'une culture particulière (le Ba de Nonaka). Les travaux récents sur les équipes virtuelles et les communautés de pratiques ont montré que le contexte ou la culture n'était pas suffisant mais qu'il fallait bien la présence d'une connaissance particulière. La connaissance mutuelle en est une composante que DAASI et FAVIER présentent et discutent en détail. Pour eux, cette connaissance facilite la coordination dans les équipes virtuelles et favorise ainsi la collaboration: elle permet aux partenaires d'adapter et de planifier leur comportement en fonction de ce qu'ils savent réciproquement les uns des autres.

 Je vous laisserai le soin de découvrir plus en détail ce qu'est cette connaissance et comment elle fonctionne, mais sachez cependant que DAASSI et FAVIER démontrent par une étude approfondie que cette connaissance a une structure double. Il y a une connaissance mutuelle OPERATOIRE qui est centrée sur la répartition des rôles, des tâches, leur coordination pour atteindre les objectifs de l'équipe et une connaissance mutuelle RELATIONNELLE plus fondée sur la vie de l'équipe, les émotions. Ainsi la connaissance mutuelle se crée dans un double processus: à la fois dans l'échange lié à la réalisation des tâches qu'a à faire l'équipe et dans l'échange plus informel lié aux relations humaines dans l'équipe. Par ailleurs, ce qu'ils démontrent aussi c'est que la création d'une connaissance mutuelle requière du temps, qu'elle ne se fait pas du jour au lendemain, mais aussi que la confiance comme la cohésion dans l'équipe jouent un rôle essentiel pour la création de cette connaissance. Reste bien sûr désormais à prouver le lien entre cette connaissance mutuelle et la performance des équipes virtuelles. Toutefois grâce à ces travaux nous connaissons déjà mieux la nature de la connaissance présente et échangée dans les équipes virtuelles.

Cette connaissance mutuelle est très proche de ce que d'autres auteurs comme BOUGHZALA (2008) appellent la Connaissance Collaborative qui donne lieu à un Collaborative Knowledge Management. En fait, ce que l'on constate c'est que pour qu'un KM efficace ait lieu il faut des connaissances de collaboration assez poussée dans l'organisation. Pour manager les connaissances, il faut certes essayer d'optimiser les processus de formalisation, partage... mais aussi et surtout ceux de collaboration. Ces processus de collaboration s'appuient sur des connaissances collaboratives, c'est-à-dire des capacités à collaborer. C'est là que l'Ingénierie de la Collaboration peut avoir un rôle crucial pour mieux piloter le KM et je vous renvoie au papier que nous avons écrit avec M. Lettry et I. Boughzala sur ce sujet en 2007 pour mieux comprendre comment (Lettry et ali, 2007).

Pour mieux comprendre encore ceux que sont ces connaissances de collaboration, je vous renvoie au deuxième article illustratif sur ces questions qui est l'article de Wakefield et Leidner (2006). Eux par exemple précisent que ces connaissances sont à la fois des connaissances sur les tâches à accomplir par l'équipe pour atteindre ces objectifs (Task Knowledge), des connaissances relationnelles qui sont les connaissances des membres de l'équipe entre eux (Relational Knowledge) et des connaissances sur le processus à mener pour atteindre les objectifs fixés à l'équipe (Process Knowledge). Chacun de ces types de connaissances peut donner lieu à conflits au sein de l’équipe virtuelle.  Aussi le Leader de la communauté ne doit pas seulement vérifier que l’échange de connaissances de « contenu » et que l’exécution des tâches se fait effectivement  mais il doit également gérer chacun de ces types de connaissances pour éviter les conflits et faciliter la collaboration: « Not only must the leader oversees the work of other team members, but as a member of the team, the leader also sets standards for collaboration and the expectations for how the team functions ». Pour cela il pourra adopter des rôles différents (coordinator, monitor, facilitator, mentor…)

Au final, tout ceci vous laisse peut être songeurs et vous vous dîtes que c'était finalement bien évident! ;-) En fait, si ça l'avait été, nous aurions depuis longtemps dans les organisations des Systèmes KM optimisés. Aujourd'hui encore la très grande majorité des Systèmes KM mettent l'accent sur la gestion des connaissances que j'appelle de "contenu", c'est à dire de ce qu'il faut vraiment échanger. Dans une Communauté de Pratiques d'Acheteurs par exemple, on mettra l'accent sur la formalisation des connaissances des fournisseurs et sur l'échange de ces informations. Certes c'est le but ultime de ces systèmes: faire que cette connaissance qui aide vraiment l'entreprise dans ces processus opérationnels soit accessible. Néanmoins, si le Système KM ne met l'accent que sur la gestion de ces seules connaissances de "contenu" alors le système ne fonctionnera pas. Ces dernières avancées en KM démontrent que les Systèmes qui fonctionnent réellement ont intégré que pour que ces connaissances de "contenu" soient réellement échangées ou créées de façon efficace, il fallait mettre en place des processus permettant de gérer d'autres types de connaissances. Et là, nous avons encore un peu de travail à faire aussi bien dans la prise en charge logicielle que dans la prise en charge managériale pour intégrer et appliquer dans toutes les organisations ces avancées scientifiques. ;-)

Références citées:

Reix R. (1995), Savoir tacite et savoir formalisé dans l’entreprise, Revue Française de Gestion, N° 105, Septembre-Octobre 1995, p 17-28

Lacroix M. et Naro G.(2007), Comptabilité financière et contrôle de gestion dans une économie des savoirs, in Connaissance et Management, ouvrage dédié à R. Reix, coordonné par P-L. Dubois et Y. Dupuy, Economica, 2007, p 103-111

Daassi M. et Favier M. (2007), Le nouveau défi des équipes virtuelles: construire et maintenir une connaissance mutuelle, Revue Systèmes d'Information et Management, n°3, Vol. 12, 2007, p 3-30

Boughzala I. (2008), KM et Collaboration, in "Vers le KM 2.0: quel management des connaissances imaginer pour faire face aux défis futurs?", ouvrage coordonné par Aurélie Dudezert et Imed Boughzala, Collection Entreprendre/SI, VUIBERT, à paraître 2008

Lettry M., Boughzala I., Dudezert A. (2007), Can Collaboration Engineering help Open Source Communities to structure their activities? Actes de la 12ème Conférence de l'Association Information et Management, Lausanne, Suisse, Juin

Wakefield R. and Leidner D. (2006), The Nature and Influence of Conflict in the Virtual Team, Proceedings of the America's Conference on Information Systems (AMCIS), Acapulco, Mexico, August 2006.



 

 
Ecrit par Ade, a 17:13 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Jeudi (18/10/07)
Du choix d’un titre gastronomique : la théorie du Millefeuille
--> Management de portefeuille de médias
Je viens de lire un article tout à fait intéressant et
Ecrit par Ade, a 17:48 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Lundi (03/09/07)
Systèmes KM et Performance
--> Knowledge Management System Performance Measure Index
Je viens de lire un article de Shu-Mei Teng particulièrement intéressant. Cet article à paraître dans "Expert Systems with Applications" présente une nouvelle métrique pour mesurer la performance de Systèmes KM mis en place dans les organisations. L'originalité principale du papier est de construire ces indicateurs en partant de la stratégie KM pour aller au Système KM opérationnel en tenant compte de la tactique KM de l'organisation.
Ecrit par Ade, a 17:21 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Mercredi (25/04/07)
Orchestres symphoniques et hôpitaux: modèles pour la nouvelle organisation des entreprises?
--> L'émergence de la nouvelle organisation, P.F. Drucker
Il est des auteurs et des penseurs qui ont cette capacité d'être à la fois visionnaires et accessibles: c'est le cas de P.F. Drucker. J'en ai déjà parlé sur MACIS lors d'un précédent post mais je reste épatée par la capacité de projection que cet auteur pouvait avoir. Ainsi dans un papier de 1988 intitulé "L'émergence de la nouvelle organisation" il pose les bases de la nouvelle forme structurelle que devrait avoir les entreprises dans une économie où domine principalement l'échange d'actifs immatériels.
P.F. Drucker commence son propos avec une phrase qui pourrait faire bondir l'intelligentsia managériale tant elle pose de problèmes: "les grandes entreprises dans une vingtaine d'année (soit aujourd'hui puisque 2008 est à nos portes ;-) auront pour la plupart moitié moins de niveaux hiérarchiques que leurs homologues d'aujourd'hui et pas plus d'un tiers de leurs responsables". L'ensemble de l'article a donc pour objet d'expliquer et de discuter cette nouvelle forme organisationnelle appellée "organisation du savoir" et qui prendra selon l'auteur la forme suivante: "l'activité quotidienne sera fondée sur la connaissance et sur une structure largement composée de spécialistes. Ceux-ci dirigeront et maîtriseront leur propre performance grâce à une information structurée, reçue de leurs collègues, de leurs clients et de leur siège".
Ecrit par Ade, a 11:05 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Mercredi (18/04/07)
Real-Life Knowledge Management: lessons from the Field
--> Etudes de cas
Pour ceux qui aimeraient lire des cas de démarches de Knowledge Management, je vous conseille la lecture de l'ouvrage "Real-Life Knowledge Management: lessons from the Field" d'Abdul Samad Kazi et Patricia Wolf publié par le KnowledgeBoard en 2006.
Ecrit par Ade, a 11:16 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Vendredi (25/11/05)
Les raisons du KM
--> Réflexions de professionnels

Je poursuis dans la lignée de ces derniers jours avec un article de Marina du Plessis, opérationnelle du KM qui se décrit comme "Management Advisor". Cet article s'intitule "Drivers of knowledge management in the corporate environment", International Journal of Information Management 25 (2005), p 193-202 (voir lien doi:10.1016/j.ijinfomgt.2004.12.001 )

Ecrit par Ade, a 11:48 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Mercredi (23/11/05)
Stratégie et Knowledge Management
--> .. ou stratégies de Knowledge Management?

Dans mon tour d'horizon sur les articles en KM, j'ai identifié deux articles sur le thème KM et stratégie qu'il me paraît intéressant d'analyser.

Ecrit par Ade, a 17:13 dans la rubrique "Articles de recherche".
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Lundi (21/11/05)
La 2ème vague du Knowledge Management
--> "The 2nd wave of Knowledge Management: The management control of knowledge resources through intellectual capital information"

Eh bien, non MACIS n'est pas complètement mort! ;-) De fait, je n'ai pas donné de nouvelles depuis longtemps mais c'est que l'opérationnel a pris le dessus sur l'échange ;-) Bref, voici de nouveau un post sur un article accepté en Juin 2005 dans la Revue Managing Accounting Research (et qui devrait paraître incessamment sous peu).

Ecrit par Ade, a 17:13 dans la rubrique "Articles de recherche".
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