Management des Connaissances et des Systèmes d'Information

Dans mon tour d'horizon sur les articles en KM, j'ai identifié deux articles sur le thème KM et stratégie qu'il me paraît intéressant d'analyser.

Le premier article est paru en 1999 dans la Harvard Business Review:

"What's Your Strategy for Managing Knowledge?", M.T. Hansen, N. Nohria, T. Tierney, HBR, 1999, 77 (2), p 106-116 (voir: http://imv.au.dk/dmmi2001/grp3.2/artikler/codified%20or%20personalized.pdf)

Cet article présente le modèle de Hansen, Nohria et Tierney (que l'on appelle par la suite modèle HNT). Ce modèle est ensuite discuté dans un autre article plus récent en le confrontant à de nouveaux cas "Knowledge strategy in organizations: refinig the model of Hansen, Nohria and Tierney", R. Scheepers, K. Venkitachalam, M.R. Gibbs, Journal of Strategic Information Systems, 13 (2004), p 201-222 (voir: doi:10.1016/j.jsis.2004.08.003 )

En s'appuyant sur des cas d'entreprises de Conseil en Management et en Stratégie, d'entreprises informatiques et du milieu médical, Hansen, Nohria et Tierney considèrent plusieurs points que Scheepers, Venkitachalam et Gibbs résument ainsi:

1. Tout d'abord une stratégie KM reflète une stratégie concurrentielle. C'est-à-dire que pour être efficace une stratégie KM doit être mise en place en analysant comment la connaissance créée de la valeur pour le client, comment elle supporte un modèle économique... In fine, deux choix s'offrent à l'entreprise soit une stratégie qui met l'accent sur la codification (centrée autour de la formalisation et du stockage de connaissances) adaptée pour les entreprises qui doivent "standardiser" des réponses aux clients, ou une stratégie de personnalisation (centrée autour de la mise en relation des salariés de l'entreprise) plus adaptée à la création d'idées nouvelles et de solutions innovantes pour le client. L'idéal étant selon la nature de l'entreprise d'arriver à ce que le modèle HNT appelle un "Knowledge mix", c'est-à-dire une stratégie dominante et une autre en support sur un rapport 80/20. "The organization's nature of business (and their business economics) should determine their knowledge strategy choice (predominantly personalization or codification) with the alternative strategy in support (80/20 mix)" (Scheepers et al.)

2. C’est ce Knowledge mix qui va déterminer le niveau de support en technologie de l’information nécessaire pour le déploiement d’une stratégie KM

3. Les entreprises qui ont une stratégie KM adaptée sont celles qui utilisent effectivement les connaissances (c’est du bon sens mais ça vaut le coup d’être répété ;-)

Effectivement, ce qui est intéressant dans le modèle HNT, c’est qu’enfin on voit apparaître une explication logique à la mise en place du KM dans l’entreprise. Le lien stratégie business et stratégie KM est clairement posé alors qu’il est souvent très implicite sur le terrain comme dans les travaux de recherche. Ce qui est dommage c’est que dans les publications qui suivent ce travail, ce n’est pas tant le lien avec cette stratégie business qui est discuté et approfondi que le choix entre codification et personnalisation. C’est typiquement le cas des travaux de Scheepers et al.

Scheepers et al. Proposent une discussion très bien amenée et très bien argumentée du modèle HNT. Ils partent de 4 autres cas d’organisations pour voir comment ce modèle se retrouve. Ils approfondissent ainsi ce modèle en introduisant notamment la notion temporelle. En effet, ils déduisent de leur analyses que le " Knowledge mix " doit être évolutif au cours du temps. Ainsi si la stratégie prédominante semble très liée au business de l’entreprise et à sa culture, l’équilibre entre codification et personnalisation pour être efficace va évoluer au cours du temps. De fait une entreprise qui sur du long terme se centrerait trop sur la codification des connaissances perdrait progressivement toute capacité à innover. Ainsi le modèle initial HNT peut se résumer comme un modèle adapté pour le court terme mais qui doit être enrichi pour le long terme.

Par ailleurs, ils notent aussi que d’autres facteurs influencent le " Knowledge mix " comme la culture de l’entreprise, la taille, son organisation géographique… Toutefois ceci se retrouvant dans de très nombreuses publications, l’ apport principal de ce travail ne semble pas pouvoir être situé ici.

Enfin, là où je reste sur ma faim concernant cet article très riche c’est justement sur ce lien entre stratégie KM et " business economics " de l’entreprise. J’aurais bien aimé que les auteurs identifient plus précisément à quelle " business economics " pourrait correspondre quelle stratégie KM. Le HNT effleure rapidement cette question en le plaçant sur la nature du produit ou service à vendre au client : à produit ou service innovant, stratégie de personnalisation, à produit ou service standardisé, stratégie de codification. Ceci doit très certainement être enrichi et approfondi.

 En voilà un bel axe de recherche ! ;-)